Ctenochaetus hawaïensis (chirurgien chevron)
Date: 28 mars 2005 à 13:00:00 CEST
Sujet: Animaux


Ctenochaetus hawaiiensis
Ctenochaetus hawaïensis (Randall, 1955)

Taille maximale : 25 cm
Compatibilité vie captive : Bonne
Compatibilité récifale : Bonne
Volume minimum conseillé : 450 l
Disponibilité dans le commerce : Faible
Prix : Elevé





Ctenochaetus hawaiiensis
Photo, Vincent ROLLET



Caractéristiques de l’espèce

Ctenochaetus hawaïensis possède un corps ovale, comprimé latéralement et assez haut. Les nageoires dorsale et anale sont larges et arrondies chez les juvéniles, longues et pointues chez les adultes. La dorsale est constituée de huit rayons épineux et de vingt sept à vingt neuf rayons mous. L’anale, quant à elle, possède trois épines et vingt cinq rayons mous. La nageoire caudale est homocerque, ses extrémités supérieure et inférieure sont légèrement arrondies. Le pédoncule caudal est assez comprimé. Une épine érectile d’environ un centimètre de longueur chez l’adulte se loge de chaque côté du pédoncule. Elle se remarque aisément chez les sujets âgés alors qu’elle est plus difficile à distinguer chez les juvéniles. L’œil circulaire possède une pupille noire et un iris jaune. Il est entouré d’un cercle jaune chez le jeune et noir chez l'adulte. Située en position terminale, la bouche est remarquable par les deux grosses lèvres qui dépassent bien en avant. Elles sont mobiles et incurvées vers l’avant, leurs bords sont denticulés. La bouche possède une quantité importante de dents flexibles (trente deux sur la mâchoire supérieure) qui permettent au chirurgien chevron de brouter et de racler la paroi récifale.

A l’instar de ce qui se passe chez beaucoup de poissons-anges et chez l’ensemble des chirurgiens du genre Ctenochaetus (hormis Ctenochaetus tominiensis), Ctenochaetus hawaïensis possède un patron de coloration juvénile différent de celui de l’adulte.

Patron de coloration d’un juvénile. Le corps ainsi que le pédoncule et la nageoire caudale sont de couleur rouge orangé. Un éclaircissement jaunâtre apparaît au-dessus des nageoires pectorales et s’étend vers la nageoire anale. De nombreuses bandes noires disposées en chevron partent d’une ligne imaginaire située entre la bouche et le pédoncule caudal en direction dorsale et ventrale. Les nageoires dorsale et anale sont bleu métallique sur leurs deux tiers inférieurs et marron sur le premier tiers. Le front est sombre - marron ou noir. Les nageoires pectorales sont marron clair.

Patron de coloration intermédiaire. Il se caractérise par un corps marron avec des bandes longitudinales jaune pâle. Le front, ainsi que les nageoires dorsale, caudale et anale sont vert/cyan. L’opercule est nettement visible puisqu’il est marron clair ourlé de motifs verdâtres. Les nageoires pectorales ainsi que l’épine caudale sont noires.

Patron de coloration adulte. Le corps est noir avec de nombreuses lignes horizontales verdâtres. Le tiers postérieur des nageoires dorsale, caudale et anale est vert-marron à noir. Les pectorales sont entièrement noires. Le scalpel est blanc, son fourreau est noir.

Aucun dimorphisme sexuel n’est réellement apparent. Seule la taille plus grande de la femelle apparaît comme un critère plutôt fiable, encore qu’en captivité cela soit difficilement vérifiable.


Distribution géographique et habitat

Ctenochaetus hawaïensis possède une aire de répartition assez vaste. Il occupe en effet un territoire compris entre les deux tropiques et qui s’étend de l’Archipel de Palau (Belau) à l’ouest jusqu’à l’Archipel d’Hawaï à l’est. La limite nord de son aire d’extension se situe au niveau des Iles Mariannes, la limite sud se situe en Polynésie française (Iles Australes). Ctenochaetus hawaïensis est inféodé aux récifs coralliens de Palau, des Mariannes, des Iles Marshall, d’Hawaï, des Marquises et de la Polynésie française. Il est ponctuellement rencontré aux Samoa. A Hawaï, cette espèce occupe principalement la zone plate du récif frangeant compris entre la surface et cinq mètres de profondeur là où l’abondance des microalgues lui permet de se nourrir à sa guise. Les éboulis rocheux et les massifs coralliens compris entre cinq et trente mètres (zone récifale en étages, pente récifale) forment également un milieu de prédilection pour le chirurgien chevron. En raison des différences de température de l’eau entre le nord et le sud de l’archipel, dues entre autres au courant froid venant du nord-est du Pacifique et au courant chaud équatorial nord, Ctenochaetus hawaïensis occupe plus fréquemment les récifs du sud. Les récifs barrières et autres atolls des îles micronésiennes et polynésiennes hébergent le chirurgien chevron principalement au niveau de la crête récifale et dans les premiers vingt mètres de la pente externe. La température de l’eau est en moyenne comprise entre 23 et 30°C selon les saisons et la situation géographique du récif sauf au sud des Australes où la température peut chuter en dessous des 18°C ce qui constitue un facteur limitant pour son extension.


Ctenochaetus hawaiiensis
Photo, Hervé ROUSSEAU


Comportement naturel

Ctenochaetus hawaïensis est un poisson diurne qui s’active durant la journée à la recherche d’algues et d’animacules. La nuit, il se repose discrètement près d’éboulis rocheux, entre les coraux ou au sein d’interstices présents dans la roche. Les juvéniles sont solitaires. Il arrive néanmoins de les observer en petits groupes - moins d’une dizaine d’individus - le plus souvent mélangés à d’autres chirurgiens (Acanthurus achilles et A. triostegus à Hawaï). Ils s’abritent parmi les décombres rocheux, les coraux et au sein de crevasses à proximité de pousses d’algues. Ce comportement grégaire apparaît comme un moyen efficace d’être en sécurité. Ce regroupement est d’ailleurs plus fréquent lors des phases de prise alimentaire, moment délicat où il est difficile de prêter attention aux prédateurs. A contrario, Ctenochaetus hawaïensis est solitaire lorsqu’il se déplace le long du récif.

Les adultes possèdent un comportement plus grégaire que les jeunes. Ils se rassemblent en groupes de taille moyenne dont le nombre d’individus est très rarement supérieur à la centaine. Là encore, les groupes peuvent être composés de plusieurs espèces appartenant aux genres Ctenochaetus et Acanthurus . On y rencontre également des nasons ( Naso sp.). Ce mélange interspécifique ne s’opère pas systématiquement mais plutôt, comme chez les juvéniles, lors des phases alimentaires. Le reste du temps, le groupe est plutôt monospécifique. Dans les zones océaniques, les bancs sont plus importants que dans les secteurs continentaux du fait de la plus grande biodiversité existante.

A l’instar de ce qui se passe chez beaucoup de chirurgiens - notamment du genre Acanthurus -, Ctenochaetus hawaïensis possède plusieurs aires de nourrissage ainsi qu’une ou plusieurs zones de frai. Les groupes monospécifiques oscillent entre chacune de ces zones plusieurs fois par saison, ce qui donne naissance à un phénomène de déplacement en masse très impressionnant pour les plongeurs observateurs. Ctenochaetus hawaïensis choisit ce que l’on appelle une pierre de nourrissage («feeding stone») qui est en réalité un bloc rocheux recouvert de «mulm» et d’algues qu’un ou plusieurs individus consomment jusqu’à épuisement.


Alimentation

En milieu naturel. Ctenochaetus hawaïensis se nourrit du film détritique présent en surface des blocs coralliens. Ce film, très fin, est composé de matière organique riche en micro-algues unicellulaires. La morphologie de la bouche permet au chirurgien chevron de racler ce film sur des surfaces dures (blocs rocheux, corail) ou mobiles (sable). Ctenochaetus hawaïensis n’est pas un alguivore stricte mais plutôt un détritivore qui consomme des micro-algues.

En captivité. Le chirurgien chevron n’est pas un poisson réellement difficile d’un point de vue alimentaire. Il est tout de même préférable de l’héberger dans un aquarium riche en Pierres Vivantes sur lequel on laisse se fixer le «mulm» détritique. Il accepte sans problème des proies vivantes comme les artémias ou les mysis. Une alimentation inerte (décongelée et/ou lyophilisée) à base d’artémias, krills, crevettes, moules, morceaux d’algues et de spirulines. Un nourrissage quotidien, ou tous les deux jours si le film détritique est important, est suffisant.

Ctenochaetus hawaiiensis
Photo, Vincent ROLLET


Reproduction

Ctenochaetus hawaïensis est une espèce gonochorique (à sexes séparés), elle possède un mode de reproduction ovipare avec une fécondation externe. La stratégie de reproduction utilisée par cette espèce est de type r : maturité sexuelle atteinte à une taille modeste, fécondité élevée, petite taille des oeufs. Ctenochaetus hawaïensis possède une ou plusieurs aires de frai au sein d’un même récif. Située le plus souvent dans une zone très hydrodynamique (passes, chenaux, crêtes récifales à marée haute), cette zone est également occupée par d’autres espèces de poissons-chirurgiens. Le courant violent qui règne dans les zones de frai permet aux gamètes d’être dispersées dans l’océan. Cette dispersion favorise le brassage génétique et la diversité des zones de recrutement (essentiellement sur les récifs continentaux).

La reproduction du chirurgien chevron est finalement très similaire à beaucoup d’autres chirurgiens. A la tombée de la nuit et lors des grandes marées, des chirurgiens chevrons, en nombre plus ou moins important selon la zonation géographique - petits groupes sur les récifs continentaux, groupes de taille plus importante sur les récifs océaniques- rejoignent la zone de frai. La relative obscurité présente à ce moment permet d’éviter une trop forte pression prédatrice. Il n’existe pas réellement de parades, seulement un changement de coloration peu visible qui permet au mâle de courtiser une femelle. Si cette dernière accepte les avances de son congénère, les deux individus montent très rapidement à quelques mètres de la surface afin d’expulser les gamètes puis retournent s’abriter au sein du récif. Un mâle peut se reproduire avec plusieurs femelles.

Les œufs pélagiques restent le plus souvent en surface et sont transportés parfois assez loin dans l’océan, là où la prédation est faible. Ces œufs sont très petits, leur taille est comprise entre 0,4 et 0,8 mm. Ils éclosent rapidement, après deux à trois jours seulement. La prolarve, stade très rudimentaire s’il en est, possède un gros sac vitellin qu’il consomme en deux à trois jours. Une fois les réserves vitellines absorbées, la larve devient planctonophage. Elle subit une métamorphose importante, le corps se compresse latéralement, des épines venimeuses apparaissent. Le stade «acronurus» signale la fin de la vie pélagique ; la métamorphose se poursuit pour aboutir à une post-larve de morphologie plus proche de celle d’un chirurgien. Quelques jours après, la post-larve devient juvénile et les couleurs chatoyantes du chirurgien chevron apparaissent.

La reproduction en captivité est loin d’être encore maîtrisée. Même si la cohabitation intra-spécifique ne semble pas vraiment poser de problèmes particuliers, beaucoup de facteurs présents en captivité semblent limitants : volume, brassage, stimuli externes d’origine physique et/ou chimiques, forte prédation, etc... Seul un prélèvement post-larvaire de sujets sauvages permet d’obtenir des sujets aisés à acclimater à la captivité. Malheureusement, malgré le fait que plusieurs zones de collecte rentre dans son aire de répartition, Ctenochaetus hawaïensis n’est pas encore proposé à ce stade à la vente.


Ctenochaetus hawaiiensis
Photo, Vincent ROLLET


Vie captive / relations intra et inter-spécifiques

Si Ctenochaetus hawaïensis est un chirurgien rare, il n’en est pas moins un poisson assez aisé à maintenir. Robuste, il s’acclimate relativement bien à la vie captive pour peu qu’on lui offre un volume et un environnement adéquat. Typiquement, un aquarium récifal d’un 1.5 m de longueur minimum peut convenir. Un récif aéré riche en crevasses et grottes avec de nombreuses plages de pleine eau apparaît comme un environnement intéressant pour C. hawaïensis. A cause de son régime alimentaire, il faut que les Pierres Vivantes soient suffisamment riches en animacules et microalgues, ce qui implique un minimum de maturation de l’aquarium (environ quatre à six mois).

Vivant le plus souvent en zone agitée, le brassage doit être fort ou idéalement intermittent avec des pauses plus ou moins importantes (surtout la nuit). Un flux laminaire et entraînant est fortement conseillé. Tout brassage avec des têtes motrices inadaptées est à bannir sous peine de ne pas apprécier le chirurgien chevron à sa juste valeur. Bien que ce chirurgien soit peu exigeant au niveau de la qualité de l’eau, il faut tout de même de maintenir une température stable comprise entre 23 et 26°C, un pH moyen de 8.1 et une densité, également la plus stable possible, comprise entre 1.022 et 1.025. Une faible concentration en nitrates permet un meilleur épanouissement de Ctenochaetus hawaïensis .

La cohabitation intra-spécifique n’est pas nécessairement mauvaise. Maintenir des juvéniles en petits groupes dans un volume supérieur à 700/800 litres n’est pas impossible, même si ce n’est pas forcément conseillé étant donné le mode de vie plutôt solitaire des jeunes. Les relations inter-spécifiques sont également plutôt satisfaisantes, que ce soit avec des petits poissons comme avec des grands. C. hawaïensis souffre peu de la concurrence alimentaire pourvu qu’il ait de quoi manger sur le récif captif. Une association intéressante dans la lutte contre les algues consiste à regrouper un chirurgien chevron, détritivore-herbivore racleur, avec un herbivore brouteur comme les chirurgiens appartenant au genre Zebrasoma (Zebrasoma scopas ou Z. flavescens). Les poissons-lapins (Siganus spp.), Centropyges et autres gobies du genre Amblygobius peuvent également être de bons «associés».


Protection

Aucun statut de protection n’est connu pour cette espèce. A noter que de nombreux sites à Hawaï, à Palau ainsi que sur la Grande Barrière de Corail sont des espaces protégés où il est interdit de collecter des espèces marines comme Ctenochaetus hawaïensis . Les principaux spécimens capturés le sont dans les eaux de l’archipel hawaïen mais également en Micronésie.


Ctenochaetus hawaiiensis
Photo, Vincent ROLLET


Conseils avant l’achat

- Vérifier l’état d’embonpoint du sujet que vous désirez acheter. Eviter impérativement tout individu maigre.

- Observer la morphologie du poisson, il ne doit pas y avoir de blessures ni d’échancrures. Toutes les nageoires doivent être intactes.

- Observer le comportement du poisson : si le poisson nage vigoureusement dans le bac de vente, c’est plutôt bon signe. Si ce dernier héberge quelques Pierres Vivantes et que le chirurgien n’hésite pas à picorer dessus, c’est encore mieux.

- Demander depuis quand le vendeur le maintient dans son aquarium et quelles ont été les pathologies que le poisson a rencontrées depuis son arrivée.



Bibliographie, sources multimédias

Baensch H.A. & Debelius H., 1998. Atlas de l’aquarium marin volume 1. Mergus Verlag GmbH.

Bassleer G., 1996. Maladies des poissons marins en aquarium. Bassleer biofish.

Debelius H. & Kuiter R. H., 2001. Poissons chirurgiens et espèces apparentées. Editions Ulmer.

Collectif, 2003. Guide des poissons d’aquarium marin. Animalia Editions.

Lieske E. & Myers R.F., 1995. Guide des poissons des récifs coralliens – Région Caraïbe, Océan Indien, Océan pacifique, Mer Rouge. Delachaux et Niestlé.

Surgeonfish of the genus Ctenochaetus - Challenging Specimens for the Reef Aquarium by Kirby Adams

The "Bristle-Tooth" Surgeonfishes, Genus Ctenochaetus by Bob Fenner
http://www.wetwebmedia.com

http://www.fishbase.org

Chevron Tang - Ctenochaetus hawaiiensis
http://www.marinedepotlive.com

http://www.breedersregistry.org/

ACANTHURIDAE - Poissons chirurgiens du genre Ctenochaetus de Joachim Frische
http://www.recif-france.com



Article écrit par Ludovic Stroobants et publié par Récifs.org le 28/03/05





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