L’acclimatation des animaux marins d’aquarium
Date: 22 juin 2006 à 00:00:00 CEST
Sujet: Pratique


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L’acclimatation est l’adaptation physiologique d’un organisme aux conditions environnementales. En aquariophilie, on parle d’acclimatation sans vraiment en mesurer les enjeux, le plus souvent sans tenir compte des spécificités de certains animaux.








De leur lieu de pêche aux bacs des détaillants, les organismes marins subissent un nombre variable de transferts dans des conditions rarement optimales, avec des conséquences qui varient selon les animaux. Le stress associé à ces manipulations favorise notamment l’apparition de maladies chez les poissons et les coraux, des brûlures ou l’expulsion des zooxanthelles (blanchissement) chez les coraux et les anémones symbiotiques, des pertes tissulaires chez certains invertébrés. L’introduction finale dans un aquarium doit se faire avec toutes les précautions nécessaires : c’est de cette acclimatation là que l’aquariophile est responsable.

Avant l’acclimatation, l’achat

Les différentes étapes de la collecte à la vente des animaux ont des conséquences non négligeables sur leur état sanitaire. De nombreux efforts sont réalisés afin de rendre cette chaîne aussi "propre" que possible avec des obligations concernant les méthodes de pêche, le stockage des animaux et leur transport, notamment au travers d’initiatives comme le MAC qui sont à encourager. Ceci étant, les conditions particulières du commerce aquariophile font qu’à l’achat, vous devrez être très vigilant à l’état de santé de l’animal que vous avez choisi ainsi qu’à celui des autres animaux partageant la même batterie. Le choix d’un poisson chez le détaillant illustre assez bien la méthode à suivre: Vérifiez tout d’abord que le poisson nage régulièrement et ne présente aucune blessure ou symptôme apparent de maladie (points blancs, amaigrissement, corps "voilé", yeux vitreux ou gonflés, saignements, respiration accélérée…). Demandez à ce qu’il soit nourri devant vous pour vérifier qu’il s’alimente. Renseignez vous également sur la durée d’acclimatation (date d’arrivée) ainsi que sur la provenance qui donne des indications sur les méthodes de pêche en cas de doute. Votre détaillant pourra en général vous donner des détails sur l’arrivage : pertes à l’arrivée par exemple, mais surtout vous montrer les autres animaux du même arrivage, leur observation donnant une idée générale de la qualité de ce dernier.


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Photos, David Excoffier, Vincent Rollet

Concernant les invertébrés sessiles, l’exercice n’est pas toujours facile pour les novices, mais l’expérience s’acquiert assez vite. Une observation minutieuse du spécimen est nécessaire pour vérifier l’absence de nécrose ou de blanchissement, de brûlures "non cicatrisées" (les tissus voisins sont en mauvais état), mais également l’absence de parasites comme certains nudibranches, planaires, crabes ou escargots.


Ne pas confondre parasitaire et symbiote !
Les coraux hébergent souvent des animaux symbiotiques qui sont tout à fait désirables ! Les crabes Trapezidae sp. par exemple vivent en symbiose avec les coraux durs à petits polypes branchus et ne doivent pas être confondus avec les crabes parasitaires de certains coraux comme Pocillopora sp. D’autres symbiotes des anémones et des coraux durs à gros polypes sont également fascinants à observer et hautement désirables dans l’aquarium marin !



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Photo, David Excoffier

Chaque animal possède des caractéristiques uniques, il convient donc de se renseigner avant l’achat. Par exemple, le choix d’un bénitier en bonne santé implique un certain nombre de vérifications comme sa réactivité à la lumière, l’état de la glande byssale, l’absence d’escargots parasitaires, etc…


Le bac hôpital

Les maladies des poissons sont particulièrement difficiles à traiter en aquarium récifal, en raison de la toxicité des différents traitements pour les invertébrés. En cela, l’acclimatation des poissons marins est spécifique: l’introduction d’un nouvel habitant directement dans le bac, même après une acclimatation adaptée, augmente considérablement la probabilité de voir se développer une maladie dans votre aquarium. Le stress, le changement des paramètres - notamment le passage d’une eau bien souvent "stérilisée" ou "traitée" à celle d’un bac récifal - sont autant de facteurs déclenchants de maladies. C’est pour cette raison qu’on conseille la stabulation des nouveaux arrivants dans un bac de quarantaine ou "hôpital" pendant une quinzaine de jours.


Le bac hôpital
Un bac d’un volume de 100 à 200 litres au décor dépouillé mais possédant le matériel de maintenance typique du bac de poissons constitue le bac hôpital idéal : filtration semi humide et écumeur, chauffage, éclairage…et des changements d’eau réguliers. Il permet ainsi de traiter le poisson en cas de maladie mais également de faciliter son observation, son nourrissage et son adaptation à la vie captive


Peu d’aquariophiles mettent en place ce type de bacs, le plus souvent pour des raisons pratiques, mais c’est pourtant un atout de poids pour éviter de perdre le nouvel arrivant et bien d’autres poissons. Dans le cas l’installation d’un bac hôpital n’est vraiment pas possible, l’utilisation d’un stérilisateur UV ou d’ozone sera recommandé afin d’éviter la propagation éventuelle de maladies. Certains aquariophiles possèdent des bacs connectés de volumes différents. Dans ce type de configuration, il est intéressant d’acclimater le nouvel arrivant dans un bac plus petit que son bac définitif et temporairement déconnecté du reste de l’installation.


L’acclimatation en elle-même : un exercice pas si simple !


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Photos, David Excoffier

Pourquoi est-il toujours question d’acclimater nos animaux ? Pourquoi ne pas simplement les transférer directement du sac dans le bac ? Cette nécessité s’explique par quelques éléments de physiologie décrits dans la partie "en savoir plus". En substance, les mécanismes d’adaptation à la température et à la salinité chez la plupart des animaux marins sont relativement lents, et une variation trop grande ou trop brutale des conditions environnementales est un facteur de stress cellulaire et a des conséquences physiques (lésions, augmentation du rythme cardiaque…). Les paramètres majeurs qu’il faut contrôler sont la salinité, la température, et le pH surtout pour les conséquences indirectes de son augmentation.



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Photo, Etienne Dhont

Il n’y a pas de méthode miraculeuse d’acclimatation car celle-ci dépend avant tout de l’animal considéré, mais aussi de la configuration de votre installation. Ceci étant, il existe des règles de base à respecter afin de donner les meilleures chances aux nouveaux pensionnaires. La méthode la plus rencontrée en eau douce comme en eau de mer consiste à plonger le sac de l’animal dans l’aquarium, et à rajouter dans le sac un peu d’eau du bac à intervalles réguliers (toutes les cinq minutes par exemple). Cette méthode permet d’égaliser lentement les températures, mais également d’ajuster les autres paramètres de l’eau pour les faire correspondre à ceux de l’aquarium. Pourtant, en eau de mer en particulier, cette acclimatation peut induire un stress chez certains poissons, stress qui est dû à la présence des autres habitants de l’aquarium et à l’incapacité de l’animal à se déplacer ou à se cacher. Elle est par contre assez efficace pour les invertébrés à condition d’adapter le rythme d’ajout d’eau à l’animal à acclimater. Pour les gastéropodes ou les étoiles de mer, leur faible capacité d’adaptation aux variations de densité impose de pratiquer un ajustement très lent de la salinité avant de placer les animaux avec précaution dans le bac.

Pour les poissons, nous proposons deux méthodes qui ne sont pas forcément idéales mais qui sont adaptables à la configuration de votre installation. La première dérive de la méthode précédemment citée en améliorant ses deux points faibles : égalisation lente des paramètres et diminution du stress du poisson. Pour cela, il suffit de placer le sac contenant votre poisson dans la décantation et d’effectuer un goutte-à-goutte par gravité entre le bac principal et la décantation. Ce goutte-à-goutte peut se faire à l’aide d’un tuyau à air muni d’un robinet, mais les perfusions médicales sont également utilisées avec succès. Le poisson peut être transféré dans un récipient plus large que son sac de transport afin de lui offrir un plus d’espace de nage. Cette technique permet de réduire le stress du poisson - calme de la décantation, mais également d’égaliser lentement et avec régularité les paramètres entre l’eau du transport et celle du bac.


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Photo, David Excoffier

Une seconde méthode consiste à transférer le poisson et l’eau de transport dans un seau, et à effectuer l’acclimatation au moyen d’un goutte-à-goutte depuis le bac principal. Une erreur classique est de considérer que l’ajout d’eau de l’aquarium permet d’égaliser tous les paramètres mais c’est oublier que l’eau se refroidit dans le seau et que l’ajout d’eau du bac à bonne température ne permet pas de maintenir ce paramètre. Il convient donc dans ce cas d’utiliser un combiné chauffant de petite dimension. Cependant, les combinés chauffants posent plusieurs problèmes: le plus souvent, leur puissance est trop élevée compte tenu du volume présent dans le seau ce qui provoque une hausse de température trop rapide. Ils présentent aussi une trop grande inertie conduisant à une augmentation de la température au-delà de la température de consigne. Le principal avantage de cette méthode est qu’elle permet d’offrir au poisson un espace plus adapté et de «recréer» les conditions de l’aquarium avec un contrôle plus précis des différents paramètres. En effet, en plus du combiné chauffant, certains aquariophiles oxygènent également l’eau au moyen de bulleurs et mesurent pH et température pendant l’acclimatation.


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Photo, Etienne Dhont

Les petits plus qui peuvent faire la différence
Certains poissons ont besoin d’éléments particuliers pour favoriser leur acclimatation : les labres par exemple seront acclimatés de préférence avec une fine couche de sable au fond du seau car en cas de stress, ils cherchent à s’enfouir et si leur "habitat" n’a pas de fond sableux, les risques de blessures sont importants. La plupart des poissons benthiques quant à eux sont très stressés lorsqu’ils n’ont pas de cachettes, l’ajout d’un morceau de tube PVC dans le bac d’acclimatation permet d’éviter ce stress inutile et sera indispensable lors d’acclimatation de poissons tels qu’Opistognathus aurifrons.



En savoir plus

La physiologie des poissons marins permet de mieux comprendre la nécessité d’une acclimatation lente aux paramètres de l’aquarium. En raison de leur origine dulçaquicole, les poissons téléostéens marins possèdent une salinité interne trois fois plus faible que celle de l’eau de mer. Ils perdent en permanence de l’eau au niveau de leurs branchies, l’eau se déplaçant du milieu le moins concentré vers le plus concentré suivant un mécanisme d’osmose passive. Les poissons marins utilisent donc un mécanisme osmorégulateur actif pour conserver une salinité interne plus basse que celle du milieu environnant. Ils absorbent de l’eau salée, et excluent de leur organisme l’excès de sel par l’intermédiaire de cellules spécialisées présentes dans les branchies. Cette particularité a deux conséquences directes sur l’acclimatation: la dépense énergétique liée à ce mécanisme d’osmorégulation active étant proportionnelle à la salinité du milieu, il est préférable pour les détaillants (ou pour un bac hôpital) de maintenir les poissons à une salinité faible. Les capacités d’adaptation des poissons étant variables selon les espèces, une augmentation trop brutale de la densité implique non seulement une dépense énergétique anormalement élevée, mais également le risque pour les poissons les plus sensibles d’une augmentation anormale de la salinité interne, ce qui est dommageable pour leur organisme. Les poissons marins sont également des animaux dont la température interne varie directement avec celle du milieu (poïkilotherme ou ectotherme) : les variations du milieu environnant doivent donc être lentes pour permettre une adaptation du métabolisme cellulaire. Le pH sanguin du poisson est compris entre 7.4 et 7.8, et une variation brutale de la température induit une variation brutale de ce dernier pouvant provoquer des pertes de cellules sanguines, des problèmes d’osmorégulation ou au niveau de la vessie natatoire. Le pH de l’eau de mer joue également un rôle important dans le métabolisme du poisson. Lors d’un transport de longue durée, l’eau du sac s’acidifie en raison de la respiration et des déjections du poisson. Le taux des nutriments dissous, l'ion ammonium notamment, est alors très élevé. Si on se contente de remonter le pH avec l’eau de l’aquarium directement dans le sac, l’augmentation du pH va favoriser la transformation de l’ammonium dissous en ammoniac qui peut être fatal au poisson. Il convient donc de préparer de l’eau de mer aux mêmes paramètres (pH, température, salinité) que ceux de l’eau de transport et de transférer les poissons dans un seau rempli de cette eau, sans leur eau de transport bien sûr. Par la suite, l’acclimatation peut se faire de la même manière que ce que nous avons vu précédemment, en ajustant lentement les paramètres. La préparation de l’eau d’acclimatation est généralement faite à l’aide de CO2 afin de diminuer le pH, lequel est ensuite remonté lentement par le goutte-à-goutte de la batterie d’acclimatation. Dans la batterie, le pH est quant à lui maintenu à l’aide de bicarbonate de sodium, afin de conserver une valeur standard de 8.2. Cette technique pourrait être adaptée à toutes les acclimatations, mais en pratique, elle n’est nécessaire que pour certains animaux dont les poissons, et lorsque le voyage dépasse la dizaine d’heures (cas par exemple d’un achat en VPC). Les coraux, comme tous les cnidaires, sont osmoconformes, c’est-à-dire que la salinité de leur milieu interne s’ajuste à celle du milieu environnant. Cependant, comme pour la température, il est préférable d’ajuster lentement ces paramètres afin de permettre l’adaptation du métabolisme cellulaire aux nouvelles conditions.



Article écrit par Florian Lesage & Hervé Rousseau et publié par Récifs.org le 22/06/2006


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Cet article est paru dans Aquarium Magazine n° 214 après édition de la rédaction n'engageant pas la responsabilité des auteurs.


Egalement disponible sur le site sur ce sujet :
l'article acclimatation pour les détaillants

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